Pour l'abolition des frontières héritées de la colonisation - entretien avec Achille Mbembe

Vous sommez le continent de “sortir de la grande nuit”. Son état de somnolence actuelle vous préoccupe. Et tout au long de votre nouvel ouvrage, vous rejoignez Fanon lorsque vous invitez les Africains à “regarder ailleurs” qu’en Europe s’ils “veulent se mettre debout et marcher”…

C’est, simplement, qu’une nouvelle scène du monde se dessine sous nos yeux. L’Europe n’en est plus le centre de gravité même si elle reste un acteur important de la vie internationale. Rongée par le narcissisme et la blessure du rang perdu, elle tourne désormais en rond sur elle-même, et les Africains perdraient leur temps à vouloir l’ériger en modèle ou à entretenir avec elle des querelles d’un autre âge.
Par contre, c’est en elle-même que l’Afrique doit redécouvrir les ressources de sa régénération, son centre, sa ligne médiane. Ceci n’est pas l’équivalent d’un retour à je ne sais quelles coutumes anciennes. L’Afrique doit se reconstituer en tant que force propre. C’est en devenant sa force propre qu’elle négociera avantageusement avec elle-même et avec le monde - condition pour créer quelque chose d’éminemment neuf, qui fasse signe à l’humanité dans son ensemble.

ilustração de Margarida Girãoilustração de Margarida Girão

La Chine aura-t-elle désormais son mot à dire ? Je le relève parce que vous soulignez que l’un des faits majeurs du demi-siècle à venir sera la présence, en Afrique, de l’empire du milieu, dont de nombreux investissements sont déjà bien visibles dans plusieurs pays du continent.

Pour que le projet sino-africain devienne un facteur positif de leur histoire, il faudra que les Africains lui donnent chair et esprit. Pour le moment, ce projet se situe dans une logique de troc, purement extractive, et dont la conséquence est de renforcer les assises matérielles des potentats locaux et des classes sociales qui les soutiennent.

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par Achille Mbembe
A ler | 16 octobre 2010 | Achille Mbembe