La femme à l’église, entretien avec l'artiste congolaise Rachel Malaika

Rachel Malaïka, artiste photographe et visuelle, vit et travaille à Kinshasa. Elle est membre d’un collectif des artistes visuels que s’apelle Bokutami. Nous nous sommes rencontrés à Kinshasa et lui avons posé quelques questions sur la série de photos ”Femininement passionnée de Christ”.

Comment se passe votre approche au monde artistique et à la photographie?

Je considère la force et la magie de l’image, cette magie d’éblouir, de subjuguer et de faire rêver le contemplateur (le public). Raison pour laquelle je fais usage de l’insolite et de l’étrange dans mes œuvres photographiques, un moyen d’attirer la curiosité du contemplateur, et susciter en lui des questionnements sur le monde qui l’entoure, l’environnement sociétal et la vie au quotidien. 

Pour arriver à subjuguer et à faire rêver le contemplateur, je me fais photographier, créant ainsi un autoportrait. Dans cet autoportrait je crée une scénographie à travers laquelle se dégagent une idée, un questionnement et une réflexion. 

Quelles sont les principales difficultés pour une femme dans l’art ?

Le métier d’artiste photographe dans la société à laquelle j’appartiens est difficile à vivre, puis que cette profession est toujours vue au masculin. En plus, de cette difficulté, le marché de l’art est quasi inexistant. Les opérateurs culturels et autres partenaires qui doivent accompagner mon travail en vue d’une consommation sur le plan national et étranger sont très rares. 

Ces difficultés ne facilitent pas l’épanouissement de l’artiste femme. Mais je ne baisse pas les mains, je me bats, l’apport et la contribution du collectif auquel j’appartiens m’aident énormément dans mon travail, et surtout dans la visibilité de celui-ci. 

Quelle est votre relation avec la religion dans le contexte congolais ?

La femme que je suis, une croyante, en tant que telle je me pose beaucoup des questions, je réfléchis au sujet de ma spiritualité et celle de l’église dans un environnement social où la croyance a atteint un niveau insoupçonné. Je vis et travaille dans une ville métropolitaine, qui est très croyante et religieuse, la religion est au cœur de la quotidienneté, elle constitue alors pour moi un sujet de réflexion. Dans cette première série de «Fémininement passionnée de Christ», je m’interroge et interroge les autres au sujet de la place de la femme dans l’église au regard de la liturgie et du culte. Je réfléchis en a prêtant les pistes réflexives que certains autorités et laïcs avaient déjà tracées.  

Quelle est la place que vous plaignez aux femmes dans l’environnement sacré (institutionnel et informel) et dans les rituels du culte ?

La place de la femme dans une église institutionnelle devrait être celle qu’on accorde à la vierge sans hypocrisie. La vierge est vénérée, elle qui est une femme, elle est placée au cœur de la croyance et du culte ; cela devrait être aussi le cas dans la réalité et la vie de l’église. Mais cette réalité que je désire voir et vivre dans l’église est une illusion et contradiction. Une femme, mère de Christ, vénérée et respectée, mais la femme croyante, même celle qui se consacre à la vie ecclésiastique et à celle de l’église est reléguée au second rang au profit de l’homme qui occupe une position supérieure à celle-ci.  

Il n’y a pas des lieux fortement de pouvoir dans l’église pour les femmes (comme représentante et comme sainte)

Au contraire, il y a des titres et fonctions que la femme peut occuper dans l’Eglise effectivement comme représentante de l’autorité de l’église catholique, parce qu’elle est comptée déjà parmi les saints. La femme peut représenter l’église dans les paroisses, les archidiocèses, le cardinalat, la prêtrise, … et pourquoi pas à la tête de l’église catholique. Cela ne ferait que renforcer et coïncider l’image symbolique de la femme, qui quitterait sa place imaginaire, pour occuper véritablement sa place dans la réalité. 

Cette performance photographique de votre part est un peu iconoclaste (l’utilisation du rouge, la femme dans le binôme ange/diable). 

Pas du tout, cette performance photographique met en scène des supports médiatiques et esthétiques qui facilitent cette réflexion. Elle est notre approche du sujet. Loin de moi l’idée de nuire à une certaine croyance, une seule motivation nourrit mon travail, revisiter les questions traditionnellement acceptées. Pour y arriver, je me permets cette liberté d’employer différents supports et médiums afin que mon message passe, sans offusquer une certaine opinion. 

Il est possible de penser à la posture féministe par rapport au monde clérical ?

Ce travail place à son cœur cette problématique de la place de la femme dans le monde clérical. La femme doit trouver sa place réelle dans le monde clérical parce qu’elle est membre de l’Eglise de même que son opposé. En plus, la femme depuis la conception miraculeuse du Christ, son ministère, ses souffrances et sa résurrection, elle a toujours été à côté de Christ Sauveur et Rédempteur. Surtout que la Bible affirme qu’en Christ, il n’y a pas de femme, ni d’homme. Ces arguments soutiennent que la femme à une place dans l’Eglise et dans les ordres cléricaux.

par Marta Lança
Cara a cara | 24 septembre 2019 | Christ, congo, Kinshasa, photographie, Rachel Malaïka